5 Après l’école, tous en formation continue !

Jean-Michel Géridan
Dans cette séquence, nous allons parler essentiellement de formation continue, de ses enjeux pour les écoles d’art et du public que cela concerne. L’école d’art est un outil au service des étudiants, de nos jeunes diplômés mais aussi d’autres publics. Quelles temporalités, quelles modalités d’organisation et quels publics pour quels dispositifs d’accompagnement ? Pour introduire le débat, nous avons invité Gregory Jérôme, chargé de mission professionnalisation pour l’association Central Vapeur implantée à Strasbourg.

Grégory Jérôme
Pour préciser les raisons qui m’amènent à intervenir sur ce sujet, il se trouve que la Haute école des arts du Rhin a engagé une réflexion il y a quelques mois visant à évaluer la pertinence ou l’opportunité pour l’école de développer un champ largement négligé par les écoles supérieures d’art, qui concerne la formation qui pourrait être proposée à des artistes jeunes diplômés ou à d’autres moments de leur carrière. On peut tout à fait imaginer que l’école d’art, même si sa vocation première est de former au mieux les étudiants, n’a pas forcément vocation à se préoccuper de ce qui vient après l’école et qui concerne l’insertion professionnelle. Peu d’écoles supérieures d’art se sont engagées sur ce terrain de la formation continue, une douzaine environ. Elles ont mis en place pour les diplômés des actions de formation, considérant qu’une fois sortis de l’école, il leur reste certainement beaucoup encore à apprendre. La situation économique que rencontre la grande majorité des artistes peut conduire à penser en effet que tout n’est pas fini au terme du cursus initial.

En 2006, la Fraap[7] a réalisé une enquête auprès de 1 300 artistes dans toutes les régions de France. Il en ressort que beaucoup d’artistes qui se maintiennent dans l’activité rencontrent des difficultés évidentes et que pour beaucoup d’entre eux, la formation pourrait apparaître comme une réponse à une situation économique qui, sans se détériorer, n’est pas forcément favorable. Cette enquête met en lumière le fait qu’un artiste, tout bien formé qu’il a été dans une école, peut rencontrer dans le cadre de son développement de carrière un besoin évident de se former dans des domaines qui ne sont pas précisément dans le cœur de ce qui est transmis dans le cadre du cursus. On l’a dit hier à plusieurs reprises. Les écoles d’art forment des artistes, mais il se trouve que les carrières se situent sur un spectre bien plus large : régisseurs, commissaires, médiateurs, voire des acti­vités et des métiers qui ne sont pas répertoriés. Catherine Texier le disait hier, nous sommes dans un champ où le code Rome (Répertoire opérationnel des métiers et des emplois) n’a pas encore identifié l’ensemble des emplois et des professions pouvant être exercés dans ce champ large de la création contemporaine. Cette enquête de la Fraap précédait de quelques années une évolution tout à fait attendue qui allait mettre un terme à une situation qui faisait des artistes-auteurs, en arts graphiques et plastiques, les seuls professionnels pour lesquels le droit à la formation n’était pas un droit inscrit dans leurs droits sociaux. Pour mémoire, les artistes du spectacle ont accès à la formation continue depuis 1972 grâce à l’Afdas (Assurance formation des activités du spectacle). Ce n’est que fin 2011 que les artistes relevant des arts graphiques et plastiques ont eu accès à la formation. Il a fallu attendre quarante ans pour que soit inscrit un droit somme toute assez évident, puisqu’on peut estimer que la situation économique peu favorable de la grande majorité des artistes peut, dans une certaine mesure, s’expliquer par cette impossibilité de parfaire ses connaissances et ses compétences dans le cadre d’un dispositif normal de formation. Le recours à l’auto-­formation dans le champ qui nous concerne est très important, pour ne pas dire généralisé. Il n’empêche que ce n’est pas toujours la réponse la plus pertinente, d’autant plus que les évolutions techniques et technologiques induisent forcément que l’apprentissage initial n’a pas été exhaustif. Il a fallu attendre quarante ans pour que ce droit à la formation soit inscrit dans le droit social des artistes.

Et comme c’est le cas pour les artistes du spectacle, de l’audiovisuel, des industries graphiques, c’est l’Afdas également qui a été choisie, du fait de la proximité du secteur, pour être ce qu’on appelle l’organisme paritaire collecteur des cotisations de formation. Comme pour l’ensemble des autres professionnels, c’est sur les revenus générés par leur activité que la cotisation est prélevée, cotisation qui vient alimenter un fonds, qui représente aujourd’hui entre 8 et 10 millions d’euros. On est loin des 48 millions d’euros du spectacle et de l’audiovisuel. Il n’empêche que ces 8 à 10 millions d’euros ne sont que très peu consommés pour l’instant, du fait essentiellement du peu d’informations qui a circulé. En 2014, environ 2 000 artistes du champ des arts graphiques et plastiques ont bénéficié d’une action de formation financée par l’Afdas, pour environ 40 000 personnes dans celui du spectacle vivant. La marge de progression est donc très importante. La perspective que les écoles d’art se saisissent de cet enjeu, mais aussi de ce développement d’activité, paraît pertinente car les écoles connaissent le secteur professionnel et les enseignants sont des acteurs de ce secteur. Le format des dispositifs de formation continue n’est pas le même que celui des enseignements du cursus ; on est plutôt sur une logique d’actions courtes, de stages intensifs et de parcours. Il y a donc tout lieu de penser que l’école d’art est l’endroit le plus à même de mettre en œuvre ce droit à la formation continue pour les artistes du champ des arts plastiques et graphiques.

Jean-Michel Géridan
Cet accès à la formation continue est très positif, mais quel en serait précisément le champ d’application, à qui s’adresseraient ces dispositifs ? Je suis peut-être très naïf sur ce point. Les actions d’accompagnement qui sont mises en place dans les écoles sont souvent destinées aux anciens étudiants, notamment aux jeunes diplômés. J’ai en effet le sentiment qu’on essaie de suivre nos étudiants entre deux à trois ans, qu’ils sont toujours bienvenus pour utiliser les équipements de l’école, de manière informelle ou dans le cadre de conventions. Ce retour à l’école est toujours possible. Donc ce nouveau public, quel serait-il ?

Grégory Jérôme
Il ne s’agit pas vraiment d’un nouveau public, ce n’est au fond que la poursuite d’une action à la sortie de l’école. La seule chose à mon sens qui diffère, c’est qu’on n’a plus affaire à des étudiants mais à des artistes. Même si les écoles entreprennent de les accompagner sur les deux ou trois années de transition qui suivent la formation, les artistes sont relativement mobiles, ils ne se fixent pas forcément dans les régions où ils ont été formés, et les écoles ne sont pas forcément en capacité d’attirer ceux qui n’y ont pas été formés, à savoir les artistes de leur territoire en général. Il s’agit donc de réfléchir à cela, de proposer des choses aux diplômés de l’école mais aussi à tous les autres artistes, et, même si cela reste marginal, à ceux qui ne sont pas passés par une école d’art.

La formation continue dans notre champ peut recouvrir des contenus très divers, au-delà des compétences proprement techniques ou artistiques, de l’économie de l’activité aux nouvelles technologies, en passant par une réflexion sur la façon dont les artistes doivent se saisir des questions de marché, d’économie, mais aussi tout le champ des sciences humaines et sociales. Même si les écoles assurent ce travail, il n’empêche que l’évolution des savoirs fait qu’on ne peut pas considérer que le temps de la formation initiale est le seul temps dédié à l’apprentissage. En outre, la formation continue pourrait peut-être avoir un effet sur l’économie du secteur. Par ailleurs, ce qui caractérise les étudiants des écoles d’art lorsqu’ils en sortent, c’est qu’ils répondent à l’incertitude relative de leur carrière ou de leur projet en élargissant de façon assez importante le spectre de leurs activités. Cela finit à mon sens par produire une dispersion. La formation continue pourrait peut-être réduire cela.

Laurent Moszkowicz [membre du conseil d’administration de la Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens (Fraap)]
Nous avons démarré cette étude en 2005 et avons obtenu 1 250 réponses d’artistes individuels, ce qui marquait bien les besoins des artistes sur ce champ-là. Environ 50 % des besoins concernaient les questions artistiques (se former à la technique du verre, utiliser tel logiciel…) et 50 % portaient sur des questions de développement professionnel. L’étude était adressée aux artistes identifiés à la Maison des Artistes, déclarés en tant que travailleurs indépendants et qui ont démarré leur activité artistique professionnelle. Suite à cette enquête, une deuxième enquête a été menée qui concernait tous les auteurs, ceux de l’écrit, d’œuvres graphiques et plastiques, chorégraphiques et autres. Certains auteurs, notamment les auteurs de l’écrit, n’étaient pas très favorables à la création de cette formation professionnelle continue pour les artistes, souhaitant qu’elle ne soit accessible qu’aux artistes affiliés, c’est-à-dire à ceux qui ont déjà cotisé suffisamment. Nous avons mis en avant que les besoins se situaient également au niveau des jeunes, des auteurs assujettis, en début d’activité, et c’est vrai que les besoins sont assez importants. Cela a donné lieu à la création de ce dispositif qui est maintenant accessible à ces assujettis. À l’Afdas, il y a un collège diffuseur. Je rappelle que les diffuseurs, ceux qui vont verser une rémunération artistique aux auteurs, contribuent eux aussi : 0,1 % des rémunérations brutes versées s’ajoute pour cela au 1 % diffuseur. Nous sommes présents à l’Afdas dans le collège diffuseur pour recevoir les demandes de formation et nos collègues des organisations professionnelles sont présents dans le collège auteur. Ils sont là pour recevoir des offres de formation ou dire, en fonction des demandes, s’il est pertinent que tel artiste puisse bénéficier de la formation professionnelle continue.

Grégory Jérôme
Effectivement, il faut préciser que lorsque ce dispositif a été mis en œuvre, en juillet 2012 par une loi de décembre 2011, il était évident que le fait de réserver l’accès à la formation à ceux des artistes dont les revenus étaient supérieurs à ce seuil d’affiliation qui s’élève environ à 8 500-9 000 euros, risquait d’éloigner de ces droits à la formation les artistes en début de carrière, et c’est la raison pour laquelle le dispositif a été ouvert avec un seuil bien en-deçà : 3 000 euros sur trois années.

Patricia Oudin [responsable Emploi Formation des métiers de la culture et enseignement supérieur, Région Limousin]
Je voulais apporter un complément par rapport aux missions des Régions. Les Régions ont une compétence obligatoire sur la formation, davantage sur la formation des demandeurs d’emploi bien sûr, mais souvent elles ont signé une convention avec l’Afdas qui permet de prendre en charge des formations pour des artistes, des intermittents ou des auteurs qui ne seraient pas éligibles à ce dispositif parce qu’ils n’ont pas cotisé suffisamment. Nous avons de nombreuses discussions avec l’Afdas parce que nous essayons de faire en sorte qu’elle finance un maximum de formations. N’hésitez pas à vous rapprocher aussi des Régions, car c’est leur compétence obligatoire. Pour être aussi au conseil d’administration de l’école d’art en Limousin, pour moi-même mais aussi pour tous mes collègues qui sont dans des conseils d’administration d’écoles d’art, nous avons tous demandé aux écoles d’art de travailler sur des propositions de formation continue. Nous n’avons pas toujours un très bon accueil et la mise en route est longue. Peut-être effectivement faudrait-il travailler en réseau pour essayer de faire des propositions de formations, sachant qu’il faut aussi que ces formations soient agréées par l’Afdas pour être prises en charge. Ce n’est pas spécifique aux écoles d’art : dans toutes les écoles d’enseignement artistique, que ce soit la musique, la danse, le théâtre, il y a une réticence à rentrer dans la formation continue, ce qui laisse aussi un boulevard aux organismes de formation qui gagnent très bien leur vie avec cela.

Grégory Jérôme
Ce qu’il faut préciser comme vous l’avez dit c’est que certaines Régions ont signé des conventions de partenariat avec l’Afdas, mais ce n’est malheureusement pas le cas pour toutes les Régions. Ceci étant, le droit à la formation, la voie d’accès à la formation, ce n’est pas uniquement au titre d’une activité professionnelle que l’on peut en bénéficier, donc la Région est effectivement tout à fait légitime à intervenir sur des publics de demandeurs d’emploi, etc. Ce qu’il faut retenir c’est que, quelle que soit la situation des personnes, demandeurs d’emploi, professionnels, etc., l’accès à la formation pour les artistes est venu remplir un vide extrêmement saillant.

Patricia Oudin
Je pense qu’il y a aussi un très gros défaut d’information. Personne ne communique vers les artistes graphiques et visuels en général. Je pense que les jeunes qui sortent des écoles d’art aujourd’hui sont mieux informés parce que j’imagine que dans les écoles on leur dit ce à quoi ils ont droit, mais il y a quand même un gros défaut d’information.

Grégory Jérôme
En effet, mais cela s’améliore. En 2013, 150 actions de formation pour les arts plastiques et graphiques ont été financées par l’Afdas. Un an plus tard, il y eut une progression exponentielle du nombre de sollicitations. Par ailleurs, un rapport sur la formation continue au sein des écoles d’art, réalisé par Jean-Marc Loret, a été remis fin 2011 au ministère de la Culture. Donc depuis 2011 les choses ont bougé.

Christelle Kirchstetter [directrice de l’École supérieure des beaux-arts de Nîmes]
Je voulais réagir à ce que vous venez de dire par rapport aux Régions. D’abord, il faut rappeler qu’il y a eu une réforme et qu’il a fallu que les écoles passent le temps de cette réforme (transformation en EPCC et un diplôme qui confère le grade de master). Ensuite, pour faire de la formation continue, il faut des locaux et des moyens. Pour l’instant, ces ateliers sont pris en charge par la formation initiale et ce n’est pas négligeable. La VAE est en place depuis un certain temps déjà, et c’est de la formation continue qui permet l’obtention du diplôme. Enfin, certaines écoles ont, en plus, déjà mis en place des dispositifs de formation continue à proprement parler. Nous ne sommes absolument pas réticents, mais nous avons besoin d’espace, de temps et aussi de personnels pour mettre en place ces formations. De plus, pour être inscrit dans les plans régionaux de formation, il faut également un certain temps. Et comme vous le disiez, les nouvelles Régions vont se constituer… Donc il y a notre temps à nous qui est à organiser, mais il y a aussi les Régions qui doivent s’organiser. En outre, le fait que les Régions nous accompagnent sur la formation continue, c’est une très bonne chose, mais pour l’instant toutes les Régions n’accompagnent pas même sur la formation initiale. Donc je pense qu’il y a un travail des deux côtés et ensemble à réaliser.

Barbara Dennys [directrice de l’École supérieure d’art et design d’Amiens]                                 Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit puisque nous avons été confrontés à tout cela à l’esad d’Amiens. Nous avons plusieurs expériences de formation continue à Amiens, et notre Région en l’occurrence est en train de signer un protocole avec l’Afdas. Nous avons aussi été soumis au problème de manque de moyens, de locaux et de personnes. Et puis finalement avec le temps s’est ouverte une complicité productive avec le Conseil régional. Il nous a aidés sous convention sur un format de formation continue avec une subvention, ce qui d’habitude n’est pas le cas, et sur un dispositif spécialisé dans l’image animée. Notre compétence au bout de dix ans s’est transformée en capacité à ouvrir un DNAP puis un DNSEP. Cet aspect de structuration des établissements qui peut être initiée par de la formation continue ne doit donc absolument pas être négligé.

Laurent Devèze [directeur de l’Institut supérieur des beaux-arts de Besançon / Franche-Comté]
En la matière, nous avons eu des expériences un peu compliquées qui n’ont pas été aussi formidables que nous le souhaitions. Nous avions accueilli avec plaisir cette réforme qui mettait fin à un scandale, on peut l’appeler comme cela. Nous animions avec le Centre Chorégraphique National de Belfort/Franche-Comté d’Odile Dubosc et l’Université de Franche-Comté un diplôme universitaire qui s’appelait « Art Danse Performance » autour de la qualification de la performance. On retrouvait dans une session de formation qui comptait environ trente personnes, quinze ou vingt personnes qui venaient du monde de la danse et du théâtre qui étaient subventionnées, et les plasticiens qui payaient leur formation sur leurs émoluments et leur fortune personnelle, ce qui était une situation scandaleuse. Les choses ont changé mais, tout compte fait, pas vraiment : elles n’ont pas changé parce que notre formation qui était reconnue pour les arts vivants ne l’est pas pour les arts plastiques. On a le sentiment qu’une formation qui touche à l’utilisation d’un logiciel ou à la fabrication d’images animées par exemple, est facilement homologable dans le répertoire de formations, mais que toute activité conceptuelle un peu forte l’est beaucoup moins. Or, pour un plasticien aujourd’hui, savoir ce qu’est la performance, essayer de l’approfondir vraiment, est aussi important que de savoir se servir d’un logiciel dont on peut imaginer qu’il aura appris à le faire en cinq ans d’études. Je trouve qu’il y a un problème de compétence du côté des gens qui décident des formations qui sont censées être bonnes pour les autres. Les demandes des artistes sont largement autant de type conceptuel que de type technique, sinon plus. Je pense que cette question des types de formations dont ont besoin les plasticiens n’est pas réglée, c’est la même d’ailleurs qui faisait que les plasticiens n’étaient pas pris en charge avant.

La deuxième chose que je voudrais dire, c’est une question que j’adresse à mes collègues. À Besançon, nous somme un centre VAE, nous faisons beaucoup d’opérations de formation tant vers le privé que vers le public et nos élèves en insertion professionnelle. Nous en avons beaucoup discuté avec les directeurs de classe préparatoire publique. Ils nous disent qu’il est formidable d’avoir une école très dynamique, mais qu’on leur coupe l’herbe sous le pied, car pour eux la formation professionnelle est souvent un caractère de viabilité, qu’ils ont besoin de cette activité, et notamment auprès des Régions, pour survivre en tant que classe préparatoire publique. Comme nous sommes plus gros, nous avons davantage de professeurs, de locaux, de matériel technique, nous leur faisons une forme de « concurrence déloyale ». Nous essayons maintenant de faire attention, l’idée n’étant pas de tout centraliser dans la ville-centre, dans les écoles d’art, mais de voir comment faire territorialement. Il y a donc un problème, peut-être est-il uniquement franc-comtois, mais peut-être pas.

Grégory Jérôme
Pour répondre à la première question, il y a en effet un vrai travail d’acculturation à faire du côté de l’Afdas, puisque le cœur de compétences de l’Afdas concerne les arts vivants, l’audiovisuel, les arts graphiques et les actions culturelles et de loisir, et les conseillers ne sont pas toujours à même d’évaluer la pertinence d’une formation. Mais il y a fort à parier que le temps faisant, ces choses-là se régleront ; il faut le souhaiter.

David Cascaro
Je m’adresse à mes confrères qui ont déjà une grande expérience de la VAE, pour leur demander dans quelle mesure on peut considérer que la VAE est de la formation continue, et de nous expliciter ses modalités, afin de nous dire comment nous pouvons ou nous devons faire valoir ces modalités au titre de la formation continue.

Laurent Devèze
Nous sommes à Besançon centre de formation VAE depuis huit ans. Ce qu’on peut faire agréer ou ce qui semble le plus proche de la formation continue, c’est quand le candidat VAE demande un accompagnement. Nous sommes alors plus proches de l’opération de formation, puisque l’accompagnement nécessite un parrainage avec quelqu’un qui va faire le travail qu’on fait dans les écoles d’art de cheminement avec un projet, avec la mobilisation d’équipes. En revanche, quand la personne vient chercher une homologation et passe le concours devant un jury, alors c’est plus compliqué. La VAE a été conçue pour donner des diplômes à des gens qui ont une pratique professionnelle mais qui ont dû abandonner leurs études, n’ont pas pu en faire ou viennent d’un autre univers. Les gens se présentent avec des productions graphiques ou plastiques et un jury souverain décide s’ils sont aptes à avoir ce DNAP ou ce master DNSEP. Quand ils s’inscrivent, ils ont la possibilité de demander un accompagnement ou non. S’ils demandent un accompagnement, alors cela se rapproche beaucoup à mon sens de la formation continue, avec une dimension collective, puisqu’on les fait se rencontrer et ils peuvent suivre des cours dans l’école. Ils ont un accompagnement technique et conceptuel et surtout un tuteur individuel, ce qui devient lourd à mettre en place car on est dans l’obligation d’attribuer un référent à chaque candidat.

Julien Cadoret [chargé des affaires culturelles à l’Institut supérieur des beaux-arts de Besançon / Franche-Comté]
J’ai suivi plusieurs candidats en tant que tuteur. Ils rencontrent également d’autres enseignants, mais un tuteur général les suit, surtout en master, puisqu’aujourd’hui nous les suivons aussi pour la réalisation du mémoire. On les accompagne tout au long du parcours sur la réalisation du mémoire, ce qui est souvent l’étape la plus importante pour eux car la moins évidente lorsqu’ils reprennent un parcours d’études, même par VAE.

Grégory Jérôme
Il faut souligner que les frais d’inscription en VAE peuvent être pris en charge par Pôle emploi ou par l’Afdas, et ce n’est pas forcément des coûts importants. J’ai moi-même une question : comment le fait d’accueillir dans l’école d’art au sein du cursus des publics autres qui sont en VAE est-il reçu par les étudiants et les enseignants ?

Laurent Devèze
Dans notre école, c’est bien accueilli parce que cela fait partie du projet pédagogique : nous avons supprimé la limite d’âge au concours d’entrée, nous recrutons des gens qui n’ont pas le baccalauréat, nous avons une politique offensive d’auditeurs libres et, mon projet d’établissement reposant sur l’international, nous devons avoir 40 % d’élèves étrangers. Nous avons l’habitude du melting-pot. Je pense vraiment que pour les étudiants, c’est même extrêmement important pédagogiquement, parce que certains peuvent parfois être tentés d’arrêter leur scolarité ou de se dire qu’un artiste n’a pas besoin de formation… Là, ils rencontrent des gens de 45-50 ans qui reviennent et dont la situation est difficile, parce qu’ils ont des enfants, une activité professionnelle, qu’ils paient plus cher leur scolarité. Pour les étudiants en termes de motivation, ce n’est pas rien de se rendre compte de ce que peut signifier pour quelqu’un le fait par exemple d’avoir interrompu des études et d’avoir envie à 50 ans d’obtenir le diplôme, non pas pour son travail ou pour une question de grille indiciaire, mais pour lui-même. Cette dimension de frustration, quand elle est racontée par la personne elle-même, est très utile pour la motivation. Cela permet de faire comprendre qu’on est dans une société où les diplômes, les étiquettes, la reconnaissance, y compris à son propre regard, ont un peu de sens. Une spécificité aussi de notre école est d’avoir beaucoup de candidats suisses. La Suisse ne connaît pas le système de VAE, mais elle vient d’instaurer la masterisation de l’enseignement. Nous avons donc énormément de candidats suisses qui ont besoin de ce master, non pas cette fois pour une question de valorisation personnelle, mais simplement pour enseigner et ne pas être rétrogradés.

Notes :

[7] Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens.

source : demainlecoledart.fr