Discours de Farida Boudaoud
Vice-présidente du Conseil Régional de Rhône-Alpes déléguée à la culture et à la lutte contre les discriminations

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Je vous prie d’excuser l’absence de Jean-Jack Queyranne, Président de la Région, retenu à Annemasse pour un forum international sur le développement durable. Quelques mots au nom de la Région, les derniers sans doute « en tant que Région Rhône-Alpes », puisque vous le savez la collectivité vit ses derniers jours et qu’elle laissera la place à la grande Région Auvergne-Rhône-Alpes, une région de huit millions d’habitants aussi grande que la Suisse, l’Irlande ou le Danemark. Ce changement d’échelle, qui intervient en même temps que le renouvellement des assemblées régionales en décembre, va nécessairement impacter les politiques culturelles des Conseils régionaux et donc les écoles supérieures d’art qui toutes, à des degrés divers, sont liées aux Régions. Je devine que cette problématique territoriale, qui génère à la fois de l’enthousiasme et de l’inquiétude chez les acteurs de la culture, sera évoquée pendant ces deux jours.

En Rhône-Alpes, nous avons la chance de compter quatre écoles, à Lyon, Annecy, Saint-Étienne et Grenoble-Valence. Nous sommes des partenaires importants de ces établissements, sur le plan financier d’abord, puisque nous leur consacrons environ 1,7 million d’euros par an, soit un tiers de notre budget « arts plastiques » ; au-delà, nous avons fait le choix de participer à la gouvernance de chacune de ces écoles. Nous avons même été la première Région française à engager le mouvement et à voter notre participation aux EPCC en début de mandat. Cette dynamique nous a permis de renforcer la mise en réseau des écoles au niveau régional, à travers notamment les actions pédagogiques et internationales, mais également d’accompagner le réseau des directeurs des écoles d’art par l’intermédiaire de l’Adéra, qui déploie un travail titanesque d’édition, d’information et de soutien à la création, et qui gère les 2 000 mètres carrés d’ateliers d’artistes de la friche ABB à Décines, en périphérie de Lyon – des ateliers créés il y a trois ans grâce au soutien de la Région et de la Ville de Lyon, qui bénéficient aujourd’hui à une trentaine de jeunes artistes. L’Adéra, soit dit en passant, n’a pas attendu le 1er janvier pour accueillir dans ses rangs l’École supérieure d’art de Clermont-Ferrand, avec d’autant plus de joie et de bienveillance que cette école est dirigée par une femme, ce qui manquait cruellement en Rhône-Alpes… Sans doute est-ce d’ailleurs un sujet à aborder lors de ces assises, car la culture a encore tout à faire en termes de représentativité des femmes à la tête de ses institutions.

Dans la même veine, je crois fondamental d’avancer concrètement sur la question de la diversité des étudiants accueillis dans les écoles d’art. Cette question, inscrite à l’ordre du jour de vos travaux, est importante car l’entre-soi culturel est une réalité à laquelle les écoles supérieures d’art n’échappent pas. C’est un combat que nous menons au niveau de la Région Rhône-Alpes sur le cinéma et le spectacle vivant depuis quelques années, avec notamment le projet d’une école de cinéma que nous avons porté, La Ciné Fabrique, et qui vient de recruter sa première promotion en septembre, mais aussi la classe préparatoire intégrée de l’École de la Comédie de Saint-Étienne qui vient quant à elle de recruter sa deuxième promotion. Ces deux projets, nés au même moment il y a deux-trois ans, sont fondés sur la nécessité d’ouvrir les portes de nos écoles supérieures d’art aux jeunes qui, pour des raisons sociales ou culturelles, pensent que les métiers de la création ne sont pas faits pour eux. C’est un travail d’information et de conviction qui doit être mené par nous tous, mais aussi une remise en cause de nos pratiques, aussi bien du côté des acteurs de la culture que du côté de la puissance publique. La classe préparatoire intégrée est un début de réponse, qui fonctionne plutôt bien là où elle est expérimentée, dans la mesure où elle corrige les inégalités à la source et évite d’instaurer un système de quotas qui n’est pas toujours pertinent. Les directeurs d’écoles d’art, mais aussi le ministère de la Culture qui s’est saisi de ces sujets en annonçant en début de semaine la nomination d’un haut fonctionnaire à la diversité, et bien entendu les collectivités territoriales qui portent des politiques fortes en matière d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations, doivent désormais passer des paroles aux actes et avancer une feuille de route avec des engagements précis. C’est un enjeu démocratique autant que culturel.

Un autre sujet qui me semble devoir être abordé, et qui lui aussi nous est cher à la Région, est la question de l’aménagement du territoire. La France connaît actuellement deux phénomènes sans précédent qui sont, d’un côté la montée en puissance des Métropoles et de l’autre la montée en puissance des Régions. Même si l’intensité est variable d’une Région à une autre, ces dynamiques sont les mêmes partout. La question de l’impact des structures culturelles métropolitaines sur l’ensemble du territoire régional, de fait, se trouve posée. Les grands équipements sont tous, peu ou prou, situés au cœur des métropoles, mais le rural et le péri­urbain ne doivent pas rester à la remorque de ces grandes métropoles attractives et dynamiques. Les écoles, par la diversité des profils recherchés, par ce qu’elles construisent aussi avec les lieux de création et de diffusion installés en dehors des villes centres, ont un rôle à jouer, un rôle qui intéresse au plus haut point les nouvelles Régions dans la mesure où celles-ci sont garantes de l’égalité des territoires. La réforme des Régions amène donc chacun d’entre vous à s’interroger sur l’ancrage de son projet et sa résonance avec les territoires périphériques, ce qui rejoint aussi les priorités des fonds structurels européens qui, comme vous le savez, sont désormais gérés par les Régions.

Enfin, dernier point : la création. Le projet de loi porté par la Ministre Fleur Pellerin inscrit, je crois, de réelles avancées en la matière, notamment en ce qui concerne la liberté de créer et de diffuser le travail des artistes. La loi sécurise aussi le statut des étudiants en écoles d’art, ce qui est une bonne chose. Mais nous devons veiller, cher Patrick Bloche, à apporter des réponses concrètes s’agissant du statut des enseignants et de la rémunération des professeurs dans les écoles d’art territoriales, la situation restant très inégalitaire par rapport aux professeurs des écoles nationales. L’ANdÉA porte cette revendication, qui mérite la plus grande attention de la part du Gouvernement et de la représentation nationale. Il s’agit, là encore, d’une question d’égalité.

Merci à tous de votre participation à ces assises nationales. Merci à Emmanuel Tibloux et à l’ANdÉA à qui je souhaite un bon vingtième anniversaire. Bon travail à tous.

source : demainlecoledart.fr