Introduction par Emmanuel Tibloux
Directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon et président de l’ANdÉAIntervention d’Éléonore de Lacharrière
Déléguée générale de la Fondation Culture & DiversitéIntervention de Nathalie Talec
Artiste et professeur aux Beaux-Arts de ParisIntervention d’Estelle Francès
Administratrice et directrice de la Fondation Francès, présidente de l'association Françoise pour l'œuvre contemporaineIntervention de Jean de Loisy
Président du Palais de TokyoIntervention de Marion Papillon
Directrice de la galerie Claudine Papillon et vice-présidente du Comité professionnel des galeries d’artIntervention de Geoffroy de Lagasnerie
Sociologue, professeur à l'École nationale supérieure d'arts de Paris-CergyÉchanges avec le public
Déclaration des Président-e-s d’EPCC écoles supérieures d’art
réunis à Lyon à l’occasion des assises nationales des écoles supérieures d’artAccueil de Madame Fleur Pellerin
Ministre de la Culture et de la Communication par Emmanuel Tibloux, directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon et président de l’ANdÉAFleur Pellerin
Ministre de la Culture et de la Communication
Allocution prononcée à l’occasion des assises nationales des écoles supérieures d’art, à Lyon le 30 octobre 2015Communiqué des représentant-e-s étudiant-e-s
- Retour à l’accueil
Intervention d’Éléonore de Lacharrière
Déléguée générale de la Fondation Culture & Diversité
Éléonore de Lacharrière
Déléguée générale de la Fondation Culture & Diversité
La Fondation Culture & Diversité[1] est une fondation d’entreprise ayant pour mission l’accès aux arts et à la culture pour les jeunes issus des milieux modestes et, en particulier, l’égalité des chances dans l’accès aux grandes écoles de la culture, à l’enseignement supérieur culture. Ma conviction, et celle de la fondation en tout cas, est qu’une école d’art se doit d’être ouverte. Évidemment parce que l’on croit en l’égalité des chances et qu’il faut accompagner les jeunes les plus éloignés de la culture vers vos écoles, mais surtout, parce que vos écoles ont tout intérêt à ce que les étudiants soient représentatifs de la société, soient issus d’une diversité sociale et culturelle. Notre pays a besoin de la création artistique issue de tous les pans de la diversité et vos écoles doivent donc représenter l’ensemble de cette société.
Nous agissons pour accompagner des jeunes issus de milieux modestes vers ces écoles supérieures de la culture par deux biais : en accompagnant financièrement la vie d’étudiants qui préparent les concours de ces écoles, et surtout en développant de façon opérationnelle, des programmes avec des écoles partenaires et avec les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture, avec une méthodologie spécifique. Celle-ci commence d’abord par le repérage, sur le territoire, en lien avec l’Éducation nationale, des lycées ZEP en Zone d’Éducation Prioritaire[2] qui ont des filières ou des options qui correspondent à l’enseignement supérieur artistique. La première des choses consiste ensuite à informer les enseignants de ces lycées, qui connaissent mal vos écoles. Certains de ces professeurs ont parfois suivi un cursus à l’université, parfois tenté de passer les concours des écoles supérieures d’art et les ont manqués, et sont donc eux-mêmes dans une position difficile pour expliquer ce que sont ces écoles. Ils appartiennent en outre à l’Éducation nationale et en appliquent les critères. Ainsi disent-ils souvent à leurs élèves qu’étant en Bac professionnel, ils ne pourront pas intégrer une école d’art, alors que l’on sait bien que la filière d’origine n’est pas si importante dans vos concours et que l’on peut même intégrer une école d’art alors que l’on n’a pas le Bac. La première de nos actions est donc d’informer les enseignants, qui sont ceux qui connaissent le mieux les lycéens et qui sont, à mon avis, la passerelle indispensable pour orienter ces jeunes qui connaissent mal le secteur culturel car leur environnement familial n’en est pas proche.
C’est à ces professeurs que nous demandons de repérer des jeunes que nous accompagnons ensuite, avec un discours de vérité, qu’il faut toujours tenir, en ce qui concerne la difficulté des études et les spécificités de vos formations. Ce discours est donc toujours un peu ambivalent, entre « vous avez votre place », « mais ce n’est pas fait pour tout le monde pour autant ». Les professeurs constituent les relais indispensables pour réussir à tenir cette juste ligne, extrêmement fine, parce qu’ils connaissent les élèves, parce qu’ils les accompagnent pendant plusieurs années. Ces élèves repérés sont accompagnés par la fondation en partenariat avec les écoles (visite des écoles, présentation de la pédagogie, visites d’expositions, rencontres avec des professionnels…), l’objectif étant que nos jeunes puissent comprendre ce qu’est la réalité de vos écoles. Pour ceux qui sont confirmés dans leur envie d’aller vers ce type d’études, une deuxième étape se met en place, pour laquelle ils sont sélectionnés : la préparation au concours. Ils sont alors accompagnés pendant les week-ends et les vacances scolaires, via des modules de préparation pour lesquels la Fondation Culture & Diversité est une pure logisticienne. Notre travail consiste à prendre des billets de train, acheter les repas, nous occuper du logement. Tout le contenu pédagogique est, lui, pris en charge par les écoles. Il ne s’agit donc pas d’une mini-classe préparatoire privée. Nous sommes avec une quarantaine d’élèves, pendant une semaine, aux Beaux-Arts de Paris par exemple, pour les aider à préparer les concours, avec des intervenants qui ont été choisis par les écoles partenaires. L’idée est de donner les clés de compréhension de ce que sont les écoles et de ce que sont vos concours. Ils passent les mêmes concours que les autres : il ne s’agit pas d’une voie d’accès parallèle, ni de quotas que les écoles mettraient en place pour les jeunes de nos programmes, mais de leur permettre de réussir les concours comme tous les autres, avec une prise en charge de frais de déplacement. On l’a dit : lorsque l’on va passer trois ou quatre concours à différents endroits en France, les frais d’inscription coûtent cher.
Pour ceux qui réussissent les concours, nous les accompagnons ensuite sur différents volets : un volet académique pour s’assurer de la réussite de leurs études une fois qu’ils sont inscrits (du tutorat, du monitorat, des cours supplémentaires), et un volet financier et logistique que l’on doit amorcer très tôt, car dans l’autocensure que l’on constate chez ces jeunes, il y a évidemment la crainte de ne pas avoir les moyens financiers de faire des études longues, de se déplacer dans une autre ville, etc. Nous proposons également une aide à l’ouverture culturelle et des actions d’accompagnement à l’insertion professionnelle, qui sont complexes à mettre en place : nous organisons des ateliers pour apprendre à faire un CV et une lettre de motivation, nous avons des partenaires galeries qui prennent les jeunes de la fondation en stage, mais également le musée d’Orsay qui reçoit une vingtaine de jeunes pendant toutes les vacances scolaires à l’accueil et à la billetterie. C’est donc le cadre général de l’action de la fondation.
En ce qui concerne les écoles d’art – car nous travaillons aussi avec d’autres écoles de l’enseignement supérieur culture – nous avons lancé le programme en 2009 avec une quarantaine de lycées ZEP en Île-de-France et en partenariat avec les classes préparatoires publiques aux écoles d’art. Au départ, ce programme n’a concerné que des écoles d’art franciliennes : l’École nationale supérieure de création industrielle – Les Ateliers, Paris, l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, Paris, l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, les Beaux-Arts de Paris et, à l’époque, l’école de Rueil-Malmaison. J’en profite pour redire ici toute l’importance des classes préparatoires publiques de l’APPEA[3 ]dans ces questions de démocratisation de l’accès aux écoles d’art.
Au cours de ces neuf années d’action, nous avons touché un grand millier d’élèves sur cette étape de sensibilisation, d’information, de visites des écoles et de rencontres avec des professionnels ; 250 élèves (environ une trentaine par an) ont été accompagnés dans la préparation aux concours. Tous ne les passent pas et c’est une chose importante : après avoir suivi ce programme en Seconde, Première et Terminale, ils peuvent dire qu’ils ont bien compris ce qu’est une école d’art et que ce n’est absolument pas ce qu’ils ont envie de faire. Dans ce cas, ils se dirigent plutôt vers des MANAA, Mise À Niveau en Arts Appliqués, ou vers des BTS, Brevet de technicien Supérieur, en design ou en arts appliqués. Mais parmi les quelques 130 jeunes qui ont passé les concours, 93 les ont réussis. On observe donc un taux de réussite qui est très bon, que les jeunes soient passés par les classes préparatoires publiques ou aient intégré directement les écoles. En outre, le taux d’étudiants poursuivant leurs études dans ces écoles est également très bon et supérieur à la moyenne, car ce sont des jeunes qui savent où ils vont. Ils ont globalement passé suffisamment de temps dans et avec les écoles d’art pour savoir où ils vont.
Nous avons récemment décidé, avec l’ANdÉA et la Direction Générale de la Création Artistique au ministère de la Culture, de faire évoluer le programme et de le relancer aujourd’hui sous une nouvelle forme, puisque, en 2012, de nouvelles écoles nous ont déjà rejoints en donnant au programme une coloration davantage marquée par le design : les écoles de Saint-Étienne, Reims, Orléans et Strasbourg-Mulhouse. Poursuivant cet élargissement, l’idée est de lancer un appel à candidatures pour que dix écoles soient sélectionnées parmi celles des quarante-cinq qui souhaiteront participer à ce type de programme, et d’accompagner chaque école dans leurs interventions auprès des lycées ZEP de chacun de leurs territoires, et non plus simplement des lycées ZEP d’Île-de-France. Les jeunes qui passeraient par ce programme, quelle que soit l’école qu’ils intégreraient, seraient suivis par la fondation, par son système de bourses et d’accompagnement.
Voilà donc ce qui a été fait durant ces neuf dernières années et ce que l’on veut faire : augmenter le nombre d’écoles d’art parties prenantes et élargir les territoires des lycées ZEP concernés. Nos programmes sont très modestes et touchent peu d’élèves, il faut vraiment en être conscient, mais je pense pour autant que c’est un savoir-faire qui permet ensuite à chaque école de pouvoir développer, sur son territoire, des actions complémentaires avec l’Éducation nationale et d’approcher cette population de jeunes qui, même une fois dans les écoles, demande un accompagnement et un encadrement parfois un peu supérieurs à ceux apportés à d’autres jeunes qui sont dans les écoles.
[1] Lancée en 2006 par Marc Ladreit de Lacharrière, la fondation d’entreprise Culture & Diversité œuvre dans le champ de la culture et de la lutte contre les inégalités sociales. Elle s’est donnée pour mission de favoriser l’accès aux arts et à la culture pour les jeunes issus de milieux modestes.
[2] Les ZEP n’existent plus sous ce nom depuis 2007, d’autres dispositifs les remplaçant sous des appellations variables (RRS, APV, RAR, CLAIR, ECLAIR... et désormais les réseaux d’éducation prioritaire - REP), mais l’expression reste ancrée dans le langage du monde éducatif.
[3] Association nationale des classes préparatoires publiques aux écoles supérieures d’art.