Intervention de Nathalie Talec
Artiste et professeur aux Beaux-Arts de Paris

Je viens de rejoindre, très récemment, l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Avant cela, j’ai déjà enseigné plus de vingt ans dans des écoles en province, la première étant à Angoulême et la seconde à Tours. La position d’un artiste au sein d’une école d’art n’est pas de faire école, mais au contraire d’utiliser tous les moyens possibles pour transmettre, bien sûr, et fonctionner en tant qu’enseignant et artiste comme passeur, comme accélérateur. Les artistes de ma génération, et c’est mon cas, n’ont pas tous suivi de cursus en école d’art. Dans les années quatre-vingt, on pouvait en effet devenir artiste en étant autodidacte, ce qui semble être un petit peu moins le cas aujourd’hui. Mais c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’encourage les étudiants qui sont dans une école d’art à profiter de ce temps très luxueux qui leur est accordé pour les cinq ou six années de leurs études, puisque c’est un temps où se concentrent toutes les propositions possibles, qu’ils n’auraient pas s’ils n’étaient pas physiquement dans ces espaces. Il y a bien sûr aujourd’hui des bouleversements : on ne se situe plus dans cette sorte d’artisanat de l’art – sans que ce mot soit de quelque manière que ce soit péjoratif – comme dans les années quatre-vingt, lorsque l’on pouvait travailler avec des éléments d’une grande pauvreté et que n’existait absolument pas le contexte du marché tel qu’il s’est dessiné aujourd’hui. Il y a aussi, je crois, dans l’intérêt d’une école, le fait de permettre à ces jeunes générations de se rassembler, ce qui n’était pas non plus du tout notre problématique en tant que jeunes artistes, puisque les alliances se faisaient alors par affinités, par rencontres, dans des contextes qui nous permettaient aussi d’inventer des expositions dans des appartements, d’inviter des amis artistes que l’on avait été amené à croiser en France ou à l’étranger. Les choses étaient d’une grande simplicité ; tout le monde était là – quand on dit tout le monde, il s’agit des critiques d’art de l’époque, les amis artistes, etc. Et l’on sent qu’aujourd’hui, dans ce contexte hyper connecté, la réponse à cette hyper connexion est, selon moi, l’alliance, une alliance incarnée, c’est-à-dire ce que proposent tous ceux qui sont ici aujourd’hui, la façon dont on peut réunir des forces vives.

Le rôle des enseignants en école d’art est donc selon moi d’essayer de produire une alchimie qui permette à ces jeunes étudiants d’être libres par rapport à l’ensemble des paramètres qui vont ensuite gouverner leur vie d’artistes. C’est aussi leur donner des outils, qu’ils soient matériels ou conceptuels, et les mettre en garde en ce qui concerne les substitutions qui nous sont parfois demandées, par exemple dans le cadre de commandes publiques ou bien de projets qui, à mon avis, ressemblent davantage à de l’animation culturelle qu’à de vrais projets artistiques. Notre rôle est donc de leur apprendre à manipuler tous ceux qui nous manipulent, pour renverser, d’une certaine manière, les méthodes de travail et les projets. Je conclurai sur l’idée importante de faire comprendre aux étudiants que, dans les écoles d’art, il faut mettre en avant ce qui serait leur singularité positive et, pour aller à rebours de tout ce que l’on entend, travailler le concept de l’optimisme !

source : demainlecoledart.fr