Forum 4
Fonctions sociales et politiques des écoles supérieures d’art

Ce forum a visé un objectif très large et, dans le même temps, paradoxalement, très précis. Il s’est agi de reprendre précisément une question qui se pose à nouveau à chaque époque, et qui semble aujourd’hui urgent de reconsidérer, à savoir le rôle, la place et les potentiels d’une école supérieure d’art dans la cité. Cela parce qu’aujourd’hui les écoles sont sous tension (comme l’est l’art, mais aussi la culture, l’imagination, la pensée, etc.), dans une cité qui est elle-même de plus en plus sous tension. Cela parce que toutes et tous, un peu confusément, nous avons un sentiment d’urgence – plusieurs fois en ouverture des assises a été utilisé le terme d’« alerte ». Et si nous avons longtemps pensé que, de fait, les écoles d’art étaient dans le champ de réflexion du politique parce « écoles » et parce que « d’art », force est de constater que cela ne suffit plus à rabattre l’impression désagréable d’être sans prise devant quelque chose qui ne nous convient pas. Comme si, voyant la crise, massive, tardait à se mettre en mouvement notre puissance d’agir. En effet, nous ne savons que faire des boomerangs qui nous reviennent, « la créativité » ou « l’innovation » par exemple, vocabulaire aujourd’hui omniprésent jusqu’à l’oppression, vocabulaire dont, d’un certain point de vue, nous sommes à l’origine. Et puis, que penser des écoles qui ferment ? Doit-on s’inquiéter de voir apparaître de nouveaux ennemis plus ou moins masqués ? Que faire quand le Front National est annoncé dans certains conseils d’administration ? Nous préoccupons-nous suffisamment des questions climatiques, écologiques ? Nous sommes-nous suffisamment préoccupés de la question des réfugiés ? Nous avons des actions individuelles fortes, mais devons-nous nous organiser collectivement, au niveau national voire international ? Et si oui, comment ?

Dans ce forum, par séquences successives, il s’est donc agi de penser ensemble une partie de ces sujets, pour, une fois terminées les discussions, une fois élaborés collectivement les questions et les problèmes, se séparer un peu plus outillés et, idéalement, augmentés de quelques moyens et puissances d’agir.

La première séquence a été conçue de manière introductive à l’ensemble du forum, pour ensuite observer dans les trois séquences suivantes, depuis les écoles, depuis leurs activités, les enjeux sociaux et politiques qui sont apparus les plus pertinents : d’abord la question de l’accès aux écoles, puis celle des liens que celles-ci construisent avec le monde et enfin celle de la prise en compte de la révolution numérique, en évoquant entre autres les pratiques de hacking. Les quatre séquences du deuxième jour ont d’abord consisté à interroger nos puissances d’agir dans les champs de l’art et du design, puis il s’est agi d’observer les champs de la créativité et de l’innovation, ceux de l’économie et enfin ceux de l’espace démocratique.

Pour traiter concrètement de ces sujets très généraux, nous avons choisi d’adopter une démarche casuistique, avec des cas présentés par des invités, dont un grand nombre d’artistes et de personnes extérieures aux écoles d’art, suivis d’échanges avec le public. D’ailleurs, dans ce forum, le public à proprement parler n’était pas un public, mais un groupe de concernés, des participants dans une salle assis côte-à-côte, sur le même plateau, autour d’une grande table, délaissant la forme classique de la conférence pour celle, précisément, du forum – héritier romain de l’agora grecque. En clair, il a été décidé de se positionner directement au milieu des choses, là où nous sommes déjà tous les uns les autres – ne pas partir d’idées générales, mais plutôt de ce que nous faisons quotidiennement ici et là.