1 Quels enjeux sociaux et politiques ?
2 Qui s’autorise à étudier en école d’art ?
3 Les écoles d’art aujourd’hui sont-elles (suffisamment) ouvertes au monde ?
4 Devenir critique depuis les écoles d’art, hackerspace, collectifs, réseaux…
5 Agir dans le champ de l’art et du design
6 Lorsque les écoles d’art exportent : créativité et autres quiproquos
7 L’inventivité économique des écoles d’art
8 Dans l’espace démocratique
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7 L’inventivité économique des écoles d’art
Stéphane Sauzedde
Si le monde de l’économie s’est assurément rapproché du monde de l’art depuis le tournant des années 2000, et si on le mesure autant dans le vocabulaire institutionnel et managérial que dans les situations concrètes qui ont été décrites plus haut, les écoles d’art ont-elles aujourd’hui les moyens de dessiner de nouvelles lignes de fuite dans le domaine économique ? Que font-elles pour s’émanciper des impératifs contemporains et inventer d’autres possibles ? Ou bien que font-elles pour rendre des choses possibles en utilisant les règles économiques de l’époque ? Sur ce point des rapports au capitalisme mondialisé, aucun consensus n’existe dans les écoles, et pour ne pas être paralysé, il faut accepter le polemos et le débat contradictoire. Rien ne serait pire que d’être immobile et passif sur ces questions : deux invités, l’artiste Fabrice Hyber, créateur du programme international « Les Réalisateurs », et le designer Baptiste Menu, membre de l’association Open Sources et intervenant à l’École des Mines de Saint-Étienne, aident là encore à mettre la pensée en mouvement.
Fabrice Hyber
En 2007-2008, j’avais imaginé faire ce projet d’école, un lieu dans lequel je pouvais apprendre à de jeunes artistes à trouver des moyens de production auprès des entreprises, à tous les niveaux. Il y a trois ans, on a fondé une petite structure, « Les Réalisateurs », qui est à cheval entre l’École supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole et l’École supérieure de commerce Audencia Business School. Nous avons déjà procédé à deux années de test très prometteuses. Juste avant le lancement, on avait créé avec mon entreprise U.R. (UnlimitedResponsibility) 23 un réseau de lieux de production qui s’appelait alors Woolways, avec des lieux en Europe travaillant déjà sur la production d’œuvres dans les années quatre-vingt-dix : la Dena Foundation, la Fondation Pistoletto, la Kunsthalle Lophem, l’Universitat Lüneburg, U.R. et la Fondation Zerynthia[23]. Je travaille de façon parallèle avec tous ces lieux, qui existent toujours, ce qui nous permet de développer des échanges entre des artistes et des entreprises à travers l’Europe. Pour monter ce projet d’école, j’ai commencé par écrire tout ce qui s’était passé depuis vingt ans au sujet de ces projets art et entreprise : la création de U.R., tous les développements et toutes les structures concernées.
J’avais imaginé que l’artiste pouvait être une éponge, que l’entreprise pouvait être un radar et que l’on pouvait mélanger tout cela – et que le « Réalisateur » était quelqu’un qui pouvait écouter, mixer cela et créer ainsi un nouveau type d’artiste. Je me suis aussi aperçu que ces œuvres-là n’étaient pas forcément de grosses sculptures dorées pour des places publiques mais pouvaient aussi être intégrées dans les structures de l’entreprise, les structures sociales, à plein de niveaux différents.
Je me suis aperçu qu’il fallait, pour notre projet d’école, des lieux très petits, de l’ordre de 150 mètres carrés et très ouverts sur l’extérieur, avec une vitrine, mais aussi avec des bureaux dans lesquels on pouvait avoir des rendez-vous, des réunions. Un tel type d’espace était facile à trouver dans n’importe quelle ville. À partir de ce moment-là, je me suis lancé dans la concrétisation de ce projet, « Les Réalisateurs », à Nantes, ce que j’ai réussi à faire. Nous sommes désormais en train de le développer dans plusieurs villes à travers le monde : Casablanca, Montréal, Séoul, Tel Aviv. L’école est conçue de la façon suivante. L’école d’art de Nantes accueille l’école « Les Réalisateurs » dans un lieu indépendant de l’école. La première année, j’avais moi-même choisi les huit artistes : de jeunes artistes, pas nécessairement déjà diplômés mais devant surtout avoir déjà eu une activité artistique en dehors de l’école, c’est-à-dire s’étant déjà confrontés à la production. Après la sélection, ils sont accueillis pendant trois mois dans l’école et nous nous retrouvons tous ensemble trois jours par mois durant lesquels nous développons notre projet, c’est-à-dire trouver des entreprises avec lesquelles on pourra produire des choses. Ce qui est important pour le jeune artiste c’est d’obtenir des rendez-vous avec ces gens et de discuter avec eux des projets. Dès lors, le jeune artiste trouve aussi des éléments d’inspiration qui lui permettent de développer ses projets, de les décaler aussi, mais aussi de les adapter, ce qui est essentiel car il ne s’agit pas d’imposer quelque chose. Après ces trois premiers mois est organisée une présentation des projets dans les lieux. Le public et les entreprises viennent à ce moment-là et développent ensuite les choses. Sur un an, on trouve les moyens de diffusion adaptés à chaque œuvre.
La deuxième année, nous avons opéré une sélection différente puisque c’est l’école des beaux-arts de Nantes qui a diffusé l’appel à candidatures. La structure des projets était très différente, beaucoup plus « école d’art » en fait, mais ces projets étaient très enrichissants et pour moi, ce fut un élément formidable. En revanche, comme les artistes étaient sélectionnés par une école d’art, ils avaient une attitude consistant à ne pas aller très loin dans leur démarche par rapport à l’entreprise. Pour la troisième édition, nous allons constituer une sorte de mixte de tout cela. Pour le développement de cette école-là à Casablanca, nous allons davantage développer le lien avec une école de commerce. L’école « Les Réalisateurs » y sera donc beaucoup plus orientée commerce, mais avec de jeunes artistes. Le lien est établi selon une convention.
Ce qui est très important, c’est le faire, fabriquer les choses. « Les Réalisateurs », c’est aussi un terme de cinéma, où la production est essentielle. J’ai beaucoup d’amis qui travaillent dans le cinéma et qui sont toujours confrontés à la production qui tranche la créativité. Il est très difficile de développer des projets sans être confronté à un élément de production, qui pourrait être un lieu d’exposition, si vous voulez : si un commissaire d’exposition ou un musée vous empêche de faire des choses, ce n’est pas la peine ! L’idée est donc de reprendre ce terme « réalisateurs » et de lui donner une ampleur autre. Ce n’est donc pas le réalisateur de cinéma, mais le fabricant, celui qui réalise et crée en même temps, qui crée en réalisant.
Baptiste Menu
Dans un contexte d’incertitudes et de crises multiples, je vais aborder les questions du cycle de vie des produits, du cycle de la création et de la transmission de la mémoire. Tout a commencé dans la formulation de mon projet de recherche en 2009 : « Les objets sériels de demain seront-ils une reconfiguration des produits standardisés d’hier ? ». L’objectif est de préserver les performances fonctionnelles des produits en envisageant des alternatives en termes de production, autrement dit d’essayer, dans le cadre de l’économie circulaire, de faire en sorte que l’ensemble des produits puissent être « ré-appropriables », transformables et intégrés dans une logique de sobriété matérielle. La directive européenne du 19 novembre 2008 établit cinq niveaux de priorités en termes de gestion des déchets. Le premier concerne la sensibilisation, action qui consiste à réduire les déchets à la source. Le deuxième concerne le réemploi et la réutilisation, le troisième concerne le recyclage, suivi par les autres formes de valorisation, notamment la valorisation énergétique. En dernier lieu, on trouve l’enfouissement.
Si l’on schématise le cycle de vie des matières avec des cercles, plus les boucles sont courtes et locales, moins elles consomment d’énergie. Lorsque l’on s’écarte du centre pour tendre vers le recyclage, nous sommes dans une internationalisation de la gestion des déchets et des matières. Le recyclage a pour effet de détruire les propriétés formelles des produits en transformant les déchets en matières premières secondaires. Et plus vous ralentissez la vitesse de circulation des flux dans le système, moins ils consomment de matière et d’énergie. Ceci a pour effet de limiter considérablement les prélèvements dans la biosphère et la vitesse de production des déchets.
Le ré-usage, la réparation, le réemploi ou la réutilisation préservent les qualités formelles, fonctionnelles et esthétiques des produits. C’est pour cette raison qu’ils sont définis comme axes prioritaires au regard de la hiérarchie citée précédemment. Nous avons trois enjeux fondamentaux : l’épuisement des matières premières, la crise énergétique et la gestion des déchets. On a donc trois questions qui sont intimement liées aux responsabilités des créatifs lorsqu’ils envisagent un projet de construction, s’ils souhaitent réduire son empreinte environnementale, qu’ils soient artistes, designers, ingénieurs, stylistes, architectes ou urbanistes. Depuis 2009, mon projet de recherche va dans ce sens. Je tente de dessiner des manières alternatives d’envisager la conception et la fabrication de produits en plaçant la démarche d’écoconception non pas au début mais à la fin du cycle de vie des produits, avant leur abandon et leur prise en charge par la filière de gestion des déchets. Ainsi, il s’agit d’envisager différents niveaux de subsidiarité de la matière, afin d’en prolonger l’usage le plus longtemps possible avant l’intervention du recyclage – à ce sujet on parle de productivité de la matière.
Voici une définition du déchet : « Toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire. » La notion de déchet apparaît dès lors qu’il y a abandon, c’est ici que la notion d’open source est intéressante. En effet, on connaît très bien l’open source dans le domaine du soft. Il est appliqué à l’échange de connaissances ou tout au moins à ce que l’on appelle « le patrimoine informationnel commun », que l’on peut observer sur des plateformes telles que Wikipédia. Là, on se situe dans l’échange immatériel, l’échange d’informations. Notre objectif est de défricher un champ de recherche sur les applications de l’open source dans le monde de la matière. Nous souhaitons ouvrir une large réflexion sur la notion d’open source pluriel. Nos champs d’investigation se portent sur la notion de patrimoine matériel commun : tout ce qui est abandonné, n’ayant plus de propriétaire, peut être acquis d’une façon tout à fait originale. Je ne peux m’empêcher de citer le documentaire d’Agnès Varda, Les glaneurs et la glaneuse (2000) : « Droit de la récupération : les objets n’obéissent pas à la même législation que le glanage. La volonté du propriétaire est très clairement exprimée : ils ont voulu abandonner ces objets. Il n’y a que le code pénal qui en parle : ces objets ne peuvent être susceptibles de vol puisqu’ils sont sans propriétaire. Les gens qui vont passer et récupérer ces objets vont en être légalement propriétaires. Ils acquièrent cette propriété de manière originale puisqu’ils ne l’acquièrent de personne. Ils viennent, ils les prennent, ces objets leur appartiennent de manière irrévocable. » La notion d’open source pluriel se réfère à la définition du terme de déchet. En effet, le déchet apparaît lorsqu’il y a abandon, c’est pourquoi nous focalisons notre attention sur les systèmes de partage et de don afin d’éviter toute création de déchet… D’où la notion de patrimoine matériel commun qui permet d’envisager une économie fondée sur l’échange et la subsidiarité dans le monde de la matière.
Quelles sont les perspectives dans ce cadre-là relativement à la question de la puissance d’agir des écoles d’art ? L’emploi de matériaux de seconde vie constitue un formidable vivier d’innovation mais aussi une source d’indépendance pour les écoles et les étudiants. Je crois qu’il est nécessaire de trouver des solutions pour fabriquer de manière soutenable et intégrée, afin de trouver des réponses adaptées aux défis de notre époque concernant la gestion des matières premières, de l’énergie et des déchets. L’objectif est de susciter le désir créatif pour reprendre possession des objets en fin de vie.
Baptiste Menu, Gabriel Mercier et Simon Chalom, Vers un open source pluriel, Saint-Étienne, 2015
Pour terminer cette intervention, je boucle la boucle en restant sur cette ouverture : que fait-on des formes qui ont perdu la fonction pour laquelle elles avaient été conçues ? Et donc, quelles sont les perspectives en termes de « re-fonctionnalisation » des produits ? À mon avis, si les écoles d’art s’emparaient de cette question, cela constituerait un potentiel de création et d’innovation considérable. Cet axe de réflexion sur la matière et ses modes de transformation apporte des réponses économiques, sociales et environnementales aux problématiques actuelles. Il se situe au cœur des enjeux de l’économie circulaire et, selon moi, au centre de nombreuses problématiques qui concernent de près les écoles d’art, lieux dans lesquels on forme les créateurs de demain et qui entretiennent une relation privilégiée avec le monde de la matière.
Alice Vergara [directrice de l’École supérieure d’art et de design de Valenciennes]
Tout à l’heure, vous posiez la question du contexte professionnel au sein des écoles d’art, avec cette interrogation cruciale : faut-il déjà y introduire le monde du travail ? Mais je me demande de quel modèle nous parlons. Au-delà de la seule professionnalisation au sens strict, il y a des éléments de ce monde qu’il faut introduire dans l’école d’art. Par rapport à ce que vient de dire Baptiste Menu, je pense qu’il est important de signifier aux créateurs, designers et artistes, que ce monde est en fait déjà là, qu’il est urgent de se pencher sur cette question de l’écoconception, qui a une densité au-delà de la question du recyclage. Et, pour revenir donc aux questionnements que nous avons eus dans les séquences précédentes, il nous faut détailler ce que nous entendons par modèles ou contextes professionnels. Je pense en effet que dans les écoles d’art, nous apprenons aux étudiants à considérer les sources et les ressources d’une façon ouverte et très alternative.
Christian Gaussen [directeur artistique et pédagogique de l’École supérieure des beaux-arts Montpellier Méditerranée Métropole]
On entend rapporter et constater de la souffrance et des difficultés économiques, les perspectives du libéralisme et l’influence qu’il a sur nous. Tout cela donne cet effet de glide : nos pensées s’accumulent et nous cherchons à leur donner un sens. Je trouve que dans ce contexte, nous rassembler tous dans le cadre de ces assises, c’est la formule la plus formidable que l’on ait proposée pour ces vingt ans de l’ANdÉA. Je perçois tout ce que j’entends aujourd’hui comme montrant la puissance de penser des écoles d’art. Mais nous n’avons pas dit un mot des structures que sont aujourd’hui nos écoles. Je vois ici des directeurs avec lesquels je travaille et partage des angoisses économiques, structurelles, etc. Associons-nous pour réfléchir à la manière de designer nos écoles d’art et nous verrons que les questions politiques et l’ensemble des questions posées vont progressivement – évidemment avec toutes les difficultés qui restent – trouver leur propre nature ! Organisons aussi une réflexion sur ce que nous sommes ! On ne l’a pas assez fait : on parle beaucoup de ce que nous faisons, des territoires sur lesquels on doit aller et chaque fois on se heurte à des problèmes techniques et économiques. Ce ne sont pas nos volontés qui sont absentes, mais nous n’avons pas réfléchi à ces structures.
Estelle Pagès [directrice des études de la Haute école des arts du Rhin]
Il faut que l’on réfléchisse à nos pratiques, bien sûr qu’il faut que l’on réfléchisse à faire bouger nos modèles. Je pense évidemment que toutes ces tables rondes depuis hier en témoignent, c’est-à-dire que l’on se situe dans des phases d’expérimentation. La question de l’expérimentation est tout de même fondamentale. Elle est encore l’un des champs – il y en a d’autres dans nos espaces de formation – pour lesquels les écoles d’art sont leaders. Quels que soient les formes, les formats, les manières, il me semble que l’on a cette chance, ce joyau-là. Et sans pour autant défendre un modèle, je rebondis sur ce que disait Alain Bernardini au sujet de l’université : je ne crois pas du tout qu’il y ait une rivalité qui voudrait que l’un mange l’autre ou inversement. En revanche, je pense qu’il y a une question qui est celle des échelles. On est face à des échelles qui sont complètement différentes : l’université est un gros mammouth et nous sommes des petites souris. Il y a aussi un terme dont j’ai envie de parler depuis ce matin, qui est l’anomalie. Je crois que l’on doit garder cette idée que je trouve assez jolie, qui est que les artistes sont des anomalies, vous êtes des anomalies. Dans un monde qui est tout de même très normatif, je crois que l’on doit continuer à perturber : faisons de nos anomalies une force !
Cédric Loire [enseignant et coordinateur de la recherche à l’École supérieure d’art de Clermont Métropole]
Je n’entends que cela, le mot « économie » et je me dis que cela nous interroge tous, mais il y a peut-être quelque chose dans les enjeux de la formation qui n’est peut-être pas d’apprendre uniquement des stratégies économiques, fussent-elles alternatives. Je me demande si, en faisant cela, on ne reconduit pas sempiternellement la domination de l’économique sur l’ensemble de nos modes de vie et si, en définitive, il ne faudrait pas replacer, au cœur de tout cela, une vieille notion, qui s’appelle le politique ?
Alice Vergara
Je pense que l’on se situe dans un temps où la question économique est inséparable du politique, et la question du politique dans les écoles se pose en fait selon la question du maintien de ce que l’on appelle les humanités. Dans le graphique présenté par Mehdi Arfaoui tout à l’heure, il y a au moins trois cercles dans lesquels interviennent les gens que nous formons à l’école, c’est-à-dire que dans le cœur, il y a les gens qui sont artistes, puis, dans les deux autres cercles – je crois qu’il s’agissait des control industries et creative industries – il y a les autres activités auxquelles les gens que nous formons accèdent au sortir ou pendant qu’ils sont à l’école. Il y a effectivement un pan économique, mais aussi un pan qui doit tout de même résister à la noirceur. Si nous n’avons pas une vision très claire de l’avenir des étudiants au sortir des écoles, les différentes enquêtes qui sont menées prouvent, en tout cas, qu’ils sont très « transversaux » et absolument adaptables au monde qui est le nôtre. À quel prix, certes ? Mais il y a beaucoup de gens formés avec un Bac+5 qui n’ont pas ces qualités d’adaptation. Je ne dis pas que l’adaptation à la précarité est une qualité, je ne dis pas cela ! Mais, tout de même, force est de constater que tous les gens que nous formons ne sont pas artistes – ou ne le souhaitent pas – mais sont au moins formés pour d’autres possibilités.
Mehdi Arfaoui [doctorant à l’EHESS]
En effet, le problème n’est pas l’économie, mais le fait que la question politique ait complètement déserté le problème économique, ce qui n’est dû qu’à une seule chose : la gestion. Le problème n’est pas économique mais gestionnaire. À partir du moment où l’on impose une force économique par la gestion, une gouvernance par le nombre, qui justifie et qui donne une vérité au nombre, que l’on ne peut contredire – parce que l’on ne contredit pas le nombre à partir du moment où l’on dit qu’il est vrai – on est dans une société de la vérité et non plus de la justice ; on ne débat pas de ce qui est bien ou bon et on évite la normativité par le chiffre en pensant que le chiffre n’est absolument pas normatif mais dit la vérité. Il faut donc reposer la question de la normativité du chiffre, alors qu’il se donne comme quelque chose de non normatif. Encore une fois, ce n’est pas le problème de l’économie. L’économie est là, elle constitue notre société et il faut savoir ce que l’on en fait. Le problème est de savoir comment redonner une valeur politique à l’économie.
[23] Fabrice Hyber crée U.R. (Unlimited Responsibility) en 1994. La SARL a pour objectif de valoriser les producteurs et de traverser et rapprocher des territoires divers. U.R. produit les objets de Fabrice Hyber, notamment les POF (Prototypes d’Objets en Fonctionnement) que le public peut tester et manipuler (comme le POF n°65 : ballon carré) et ceux d’autres artistes, tels que Jean-Luc Moulène, Jacques Villéglé, Uri Tzaig… Fabrice Hyber est impliqué dans un club international d’entrepreneurs, DAC, anciennement Wollways, un réseau de lieux de production.