1 Les formes institutionnelles de l’école d’art :
l’EPCC confronté à d’autres modèles2 La gouvernance de l’EPCC : le rôle des conseils
3 Quel contrat/statut enseignant pour quel projet pédagogique ?
4 Valoriser les initiatives étudiantes
5 Fusions, fédérations et mutualisations
6 L’école d’art dans le paysage de l’enseignement supérieur
7 L’école d’art, acteur du développement culturel et économique d’un territoire
8 Les conditions de soutenabilité d’une école d’art
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6 L’école d’art dans le paysage de l’enseignement supérieur
Hervé Alexandre
Les écoles supérieures d’art s’interrogent, adhèrent ou se défient de ce qui peut apparaître comme une obligation à moyen terme d’appartenir aux nouvelles communautés d’universités et d’établissements – ComUE aux formes aussi diverses que l’Hexagone compte de sites. Pour nous en parler, depuis l’université, deux regards et deux régions sont invités aujourd’hui, ceux de Khaled Bouabdallah, président de la ComUE Université de Lyon et vice-président de la Conférence des présidents d’université, et Sophie Raisin, vice-présidente de l’Université Côte d’Azur en charge des formations et de la vie étudiante.
Khaled Bouabdallah
Ce qui a marqué fortement la période récente, c’est la loi sur l’Enseignement supérieur et la Recherche de 2013, avec deux éléments qui me semblent importants pour le sujet qui nous concerne :
- la cotutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sur l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, point essentiel dont on ne mesure pas encore complètement tous les effets ;
- et le renouvellement des politiques de sites, avec notamment les ComUE et au-delà la volonté d’avoir de véritables stratégies de formation, de recherche et de vie étudiante, qui se définissent et se déclinent à l’échelle d’un site, avec l’idée d’un établissement chef de file pour décliner ces politiques de sites, en l’occurrence souvent une ComUE, mais ce peut être aussi un regroupement de type « association ».
On pourrait centrer le débat sur une première question commune qui est celle du LMD. Comment le processus de Bologne s’applique-t-il ? Quelles conséquences a-t-il sur les formations ? Quelle visibilité internationale donne-t-il aux formations et de quelle manière encourage-t-il la mobilité étudiante ? Une autre question est celle de la transversalité, de l’interdisciplinarité et de la recherche, et je pense que les écoles d’art peuvent apporter beaucoup à cet endroit. Aujourd’hui, tous les établissements réfléchissent aux manières de renforcer la créativité des étudiants. Nous mettons en place de nouvelles pédagogies (par projets, inversées, numériques, etc.). Or, les écoles d’art ont un temps d’avance en la matière et peuvent apporter beaucoup aux autres établissements. Une des questions d’actualité pour les écoles d’art est celle du statut des enseignants. Elle est importante, et son évolution est nécessaire et impérative pour avancer sur la question de la recherche et du doctorat.
Pour parler plus précisément de ce qui se passe à Lyon et Saint-Étienne, puisqu’il s’agit d’un même site, nous avons une ComUE (l’Université de Lyon) qui s’est construite à partir d’un existant qui était un PRES (Pôle de recherche et d’enseignement supérieur) créé en 2006. L’évolution du PRES vers la ComUE, qui a un statut juridique qui est celui des universités, permet au regroupement d’avoir un niveau de compétences beaucoup plus important qu’il ne l’avait comme PRES. Nous avons saisi cette opportunité. Par exemple, c’est l’Université de Lyon, autrement dit la ComUE en tant que telle, qui délivrera dorénavant le Doctorat, et non plus les établissements.
L’Université de Lyon compte 130 000 étudiants et une dizaine de milliers d’enseignants-chercheurs. C’est le premier site scientifique hors Ile-de-France avec douze établissements membres : les quatre universités de l’académie et sept grandes écoles dont l’ENS Lyon, l’École Centrale, plusieurs écoles d’ingénieurs, l’École vétérinaire et le CNRS. Nous avons intégré depuis le mois de septembre une dizaine de grandes écoles associées et des organismes de recherche. Une autre série d’associations est programmée d’ici le mois de décembre prochain, ce en écho à la très grande concentration d’établissements reconnus d’excellence sur ce territoire. Dès le départ, nous avons souhaité construire une ComUE très ouverte, associant des établissements qui n’étaient ni membres, ni associés au PRES. C’est le cas notamment des deux écoles d’art puisque j’ai souhaité que les écoles d’art de Saint-Étienne et de Lyon rejoignent notre ComUE. Nous avons une caractéristique qui je crois est assez unique en France, puisque nous avons sur le territoire un nombre très importants d’écoles du secteur « culture » : deux écoles supérieures d’art, le conservatoire national supérieur de musique et de danse, l’Ensatt, une école de théâtre, deux écoles d’architecture. Nous souhaitons valoriser cet apport et surtout ne pas le négliger car c’est une véritable richesse et nous comptons bien nous appuyer sur cet apport pour en faire une vraie caractéristique distinctive et un atout exceptionnel du site.
Sophie Raisin
En tant que représentante du président d’Université Côte d’Azur (UCA), Jean-Marc Gambaudo, je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de ces assises de nous avoir invités à témoigner et à échanger avec vous tous autour du nouvel environnement que nous construisons.
UCA est une ComUE qui s’est construite tout d’abord autour de l’objectif partagé de tous les acteurs de la recherche azuréenne de porter collectivement une ambition et une politique lisible et cohérente au niveau du territoire, inscrite dans les stratégies régionale et européenne. Depuis 2008, l’Association Persan, regroupant ces acteurs, a mené des actions communes, donnant corps et réalité à la co-construction mais surtout posant les bases concrètes d’un pilotage partagé des activités de recherche sur le territoire. Depuis 2012, le rythme s’est accéléré, les ambitions se sont précisées et la nécessité des regroupements actée par la loi ESR de 2013 a naturellement rejoint l’aventure Persan. La création d’UCA a été une reconnaissance nationale de la dynamique locale qui avait été engagée, développée, construite depuis déjà plusieurs années sur les Alpes-Maritimes.
Notre conviction est la suivante : la création de valeur ajoutée et l’innovation naissent de la mise en commun de compétences et d’approches différentes et complémentaires. Nous partageons un objectif, celui de mettre cette valeur ajoutée et cette innovation au service de la résolution des défis sociétaux et territoriaux. Enfin, nous sommes attachés à un principe fondamental, celui de respecter, de préserver et même de cultiver les spécificités de chacun des membres et des associés de cette ComUE, parce que nous considérons que ce regroupement doit aller au-delà d’une politique d’aménagement du territoire, parce que nous considérons que ce regroupement doit être à l’origine d’une transformation profonde et durable de l’enseignement supérieur et de la recherche.
La ComUE comprend treize membres dont une seule université : l’UNS (Université Nice Sophia Antipolis), six écoles dans le domaine de l’art et du design dont une école supérieure d’art (la Villa Arson), deux écoles de commerce (Skema et Edhec), le CHU (centre hospitalier universitaire) et trois organismes de recherche (le CNRS en tant que membre fondateur, l’Inria Institut de recherche en informatique et en automatisme et l’Observatoire de la Côte d’Azur, l’un des cinq observatoires français). Nous sommes aujourd’hui l’une des rares ComUE qui regroupent en tant que membres fondateurs, et c’est très important pour nous, des écoles de commerce, des écoles d’art, une université et des organismes de recherche. L’Université Nice Sophia Antipolis est la seule université de cette ComUE, l’Université de Toulon, qui fait aussi partie de l’académie de Nice, est membre associé. Pour ce qui est des formations, l’Université Nice Sophia Antipolis a été le chef de file de la construction, mais nous considérons, aujourd’hui, que UCA existe parce qu’elle est fondamentalement l’ensemble de ces membres, tous moteurs, tous participants de la construction de ce projet. Au titre de membres associés, nous trouvons d’autres organismes de recherche (INRA, INSERM) et d’autres écoles (Mines ParisTech) inscrits dans des réseaux nationaux mais acteurs importants de cette dynamique territoriale.
La question que vous posiez était la suivante : qu’apportent les écoles, en particulier les écoles d’art et de design, à un regroupement autour d’une université ?
Les écoles apportent une forme de modernité car nous sommes à un moment dans l’enseignement supérieur, en particulier dans les universités, où nous devons nous interroger sur les approches pédagogiques et sur le positionnement du « formateur ». Vous l’avez dit tout à l’heure : les étudiants changent, ils n’apprennent pas de la même manière, ils n’ont pas le même lien avec les études, et l’ensemble de l’institution « Université » doit évoluer, s’adapter pour mieux répondre aux défis de demain. Les écoles apportent aussi une diversité disciplinaire. Lorsque vous regardez les classements internationaux, certains classements sont réalisés uniquement sur des sciences dures, d’autres sont réalisés sur l’ensemble des productions scientifiques. Nous sommes convaincus que le fait de se positionner sur un périmètre qui englobe toutes les disciplines sans frontières et qui axe son développement sur le transdisciplinaire est la seule façon de faire pour que nous assumions collectivement notre responsabilité d’acteurs du service public et de façon générale de transformateurs de la société et d’accompagnants des modifications de cette société.
La question de la gouvernance est importante. Nous avons choisi une gouvernance resserrée avec une place équivalente pour chacun des membres. C’est là que j’insisterai sur la place des écoles d’art, puisque dans le conseil des membres qui regroupe les treize membres, les écoles d’art ont chacune une place équivalente à celle des autres membres : ce qui signifie que pour six écoles ou instituts ou organismes dans le domaine de l’art, ils représentent six voix sur treize, dont une voix pour la Villa Arson. Le conseil des membres n’est pas une instance délibérative, c’est une force de proposition. L’esprit est le même au sein du conseil d’administration et du conseil académique. De plus, nous avons opté pour une organisation légère et souple au service d’un fonctionnement dynamique. Ainsi, la gouvernance est commune entre la ComUE et le projet d’initiative d’excellence que nous avons déposé ensemble et qui a été présélectionné en tant qu’Idex par le jury international. Le premier défi d’UCA est donc relevé : un projet d’Idex co-construit et reconnu.
Claire Peillod [directrice de l’École supérieure d’art et de design de Reims] Comment, dans les deux contextes (UDL et UCA), la ComUE réserve-t-elle un certain nombre de ses activités aux membres fondateurs et d’autres types d’activités aux associés ?
Khaled Bouabdallah
Tout dépend des situations locales et des contextes. On ne fait pas la même chose à huit qu’à trente. Si l’on veut avoir quelque chose de fort et de structuré, qui avance dans des directions qui sont fixées, cela nécessite une forme d’organisation un peu différente. Parler de gouvernance resserrée, quand on est dix ou quand on est trente, cela n’a pas la même conséquence. Une place est faite à chacun dans la façon que l’on a de travailler et il n’y a strictement aucune différence entre les membres dès lors que l’on parle de projets. L’enjeu est de conjuguer des stratégies d’organisation nationale avec une stratégie de pilotage territorial, particulièrement pour les organismes de recherche structurés au plan national.
David-Olivier Lartigaud [enseignant à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon et à l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne] Vous avez précisé que les thèses ne seraient plus des thèses d’établissement mais des thèses de la ComUE Université de Lyon. Pouvez-vous repréciser cela, notamment par rapport à l’Université Jean Monnet ?
Khaled Bouabdallah
Depuis 2006, les activités doctorales sont coordonnées et plus ou moins réalisées par ce qui était le PRES et par la ComUE désormais. La transformation est que le Doctorat sera délivré par l’Université de Lyon, ce qui ne va pas changer grand-chose, puisque depuis 2006, il était déjà coordonné et organisé par le regroupement. Si vous faites allusion à l’expérience que j’avais initiée, en tant que président de l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne, avec l’École supérieure d’art et de design de Saint-Étienne d’un doctorat d’art, cela ne changera pas. Ce projet va continuer et j’espère même qu’il sera étendu à d’autres acteurs de l’Université de Lyon, l’idée étant plutôt de conforter cette expérience que de l’arrêter.