1 Les formes institutionnelles de l’école d’art :
l’EPCC confronté à d’autres modèles2 La gouvernance de l’EPCC : le rôle des conseils
3 Quel contrat/statut enseignant pour quel projet pédagogique ?
4 Valoriser les initiatives étudiantes
5 Fusions, fédérations et mutualisations
6 L’école d’art dans le paysage de l’enseignement supérieur
7 L’école d’art, acteur du développement culturel et économique d’un territoire
8 Les conditions de soutenabilité d’une école d’art
- Retour à l’accueil
7 L’école d’art, acteur du développement culturel et économique d’un territoire
Danièle Yvergniaux
Après avoir abordé la question des relations des écoles d’art avec l’Université et l’Enseignement supérieur, nous allons aborder la question de l’école d’art, acteur du développement culturel et économique d’un territoire. Nous n’aurons qu’une intervention pour cette séquence. Isabelle Arnaud Descours, responsable du service du patrimoine et des arts visuels de la Région Rhône-Alpes, décrira la situation des écoles supérieures d’art de son territoire, et éventuellement les perspectives futures avec la grande Région Auvergne-Rhône-Alpes.
Isabelle Arnaud Descours
C’est au nom de la direction de la culture de la Région Rhône-Alpes que je vais parler du rôle que jouent les écoles d’art sur le territoire régional et de la dynamique culturelle et économique dont elles participent. En effet, si le soutien de la Région Rhône-Alpes aux écoles d’art existe depuis de nombreuses années, il a été réaffirmé et conforté au regard justement du rôle stratégique qu’elles ont su développer au-delà de leur mission de formation et de recherche. Il est ainsi essentiel pour bien comprendre la situation actuelle de rappeler dans quel contexte et avec quels objectifs la Région a accompagné la mise en réseau des écoles et leur inscription sur le territoire.
C’est autour d’une dynamique de réseau que le soutien régional est intervenu pour la première fois dans le cadre du contrat de plan État-Région 1995-2000 avec pour but de favoriser un travail pédagogique inter-écoles et développer des coopérations à l’échelle régionale et internationale via l’Adéra, l’association des écoles supérieures d’art de Rhône-Alpes créée en 1991 en accord avec les villes de Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, Valence et Annecy. Le soutien de l’État et de la Région a permis au cours de ces années de mettre en place nombre d’échanges et d’actions concertées qui ont été poursuivis et développés dans le CPER 2000-2006. Lors du CPER suivant, l’État n’a pas souhaité renouveler son soutien au réseau. La Région a, quant à elle, décidé de l’intégrer de façon pérenne à sa politique.
En 1996, la Région a signé avec les huit principales Villes de Rhône-Alpes un contrat dit de « fonctions majeures » qui visait à soutenir les activités structurantes à rayonnement régional développées par les grandes villes, ces activités bénéficiant en effet à un territoire beaucoup plus large. Les formations artistiques professionnalisantes, dont les écoles d’art, étaient concernées dans le cadre du volet culturel. C’est ainsi que le principe d’une subvention régionale annuelle pour chaque école, calculée au prorata du nombre d’étudiants inscrits en cursus diplômant, a été adopté par les élus. En 2006, comme cela avait été le cas pour d’autres secteurs de la culture, une grande concertation pilotée par l’Observatoire des Politiques Culturelles a été organisée à l’initiative de la Région avec les acteurs des arts plastiques, afin de faire le point sur la situation et les attentes dans ce secteur. Parallèlement aux discussions liées à la création, à la diffusion et à la médiation, la question de la formation a été longuement abordée. Dans ce contexte, l’Adéra a confirmé son implication dans la dynamique territoriale et proposé de travailler sur l’insertion professionnelle, enjeu majeur pour la Région. C’est pourquoi, dès 2007, l’association a bénéficié d’un subventionnement régional spécifique pour des actions permettant d’accompagner les jeunes diplômés au début de leur carrière professionnelle et favoriser leur activité, voire leur installation sur le territoire. L’Adéra a ainsi mis en place des aides à la création pour des productions d’œuvres et d’expositions en France et à l’étranger, créé une ligne d’éditions de monographies d’artistes issus des écoles et réalisées par des graphistes diplômés de ces mêmes écoles. Elle a installé et gère une trentaine d’ateliers sur le parc du Grand Large à Décines qui permettent aux jeunes artistes de poursuivre après leur diplôme des recherches qu’ils ont engagées. Ces ateliers font l’objet de temps d’ouverture au public et aux professionnels, notamment aux responsables de lieux de diffusion de l’art contemporain situés en Rhône-Alpes. Ils ont également permis d’initier des collaborations locales, notamment avec le centre culturel et des écoles de Décines. Enfin, l’Adéra a mis en place un Observatoire des jeunes diplômés qui était fortement souhaité par la Région. L’étude réalisée sur les années 2008 à 2013 et consultable sur le site Internet de l’Adéra fournit des statistiques intéressantes : elle indique, par exemple, qu’au bout d’un an environ 75 % des jeunes diplômés ont trouvé un emploi, à relativiser cependant par rapport au niveau des rémunérations perçues. Il est à noter que l’Observatoire est mentionné dans les rapports de l’AERES[2]. Précisons que l’école d’art de Clermont-Ferrand a rejoint l’Adéra cette année sachant que la Région Auvergne ne participe pas au fonctionnement de l’école mais qu’elle a abondé en 2015 le budget de l’Adéra pour que les actions d’insertion professionnelle puissent être développées à l’échelle des cinq EPCC.
En 2007, les écoles d’art bénéficiaient donc de trois types de soutien de la part de la Région :
- un soutien en fonctionnement pour les cinq écoles de l’ordre de 1,5 million d’euros,
- un soutien pour les actions pédagogiques inter-écoles, dans la suite de l’ex CPER État-Région, soit 30 000 euros pour chaque école,
- un soutien à l’Adéra de 100 000 euros pour les actions d’insertion professionnelle.
En 2009 s’est posée la question de l’entrée des écoles d’art dans l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la mutation de leur statut avec la création des EPCC. Les collectivités concernées ont très rapidement fait savoir qu’elles souhaitaient être membres des EPCC. Pour disposer d’une approche globale et cohérente, la Région, en concertation avec l’État et les Villes, a préalablement confié à l’Adéra une réflexion sur « un schéma régional de l’enseignement supérieur en arts plastiques en Rhône-Alpes ». Cette étude avait pour objet de relier chaque école et son contexte au territoire local et régional afin de voir quelle serait la structuration la plus satisfaisante pour la mise en place des EPCC. Il est intéressant, à ce propos, de rappeler brièvement les identités respectives de chaque établissement. L’EPCC Cité du design fut créé en premier. L’école d’art de Saint-Étienne, liée à l’histoire des arts industriels de la ville et de la Biennale du design dont elle est à l’origine, constitue avec la Cité du design un véritable écosystème avec un enrichissement mutuel autour des questions de formation, de recherche, d’innovation et de collaboration avec les entreprises. L’EPCC s’est mis en place dans cette logique. Concernant l’école d’art d’Annecy, c’était l’époque où l’on parlait encore du seuil critique de 250 étudiants pour la création des EPCC. La question s’était posée de savoir s’il pouvait y avoir une sorte d’arc alpin qui réunirait Grenoble, Valence et Annecy en un EPCC commun. Cependant, Annecy s’est rapidement positionnée avec une vision transfrontalière en se tournant vers la Suisse et Genève avec la volonté d’un EPCC autonome qui ferait sens dans ce contexte territorial spécifique. Pour les écoles d’art de Grenoble et Valence, se posait aussi le critère de la taille critique des établissements, mais la décision de fusion en un EPCC unique sur deux sites s’est principalement basée sur le modèle du rapprochement universitaire qui avait très bien fonctionné entre les deux villes et sur lequel l’EPCC allait pouvoir s’appuyer pour développer des partenariats privilégiés. Enfin en ce qui concerne Lyon, il existait déjà une école importante, il y avait eu fusion avec l’École d’arts appliqués et installation sur le site culturel partagé des Subsistances. L’EPCC individuel s’est imposé naturellement.
Toujours dans le cadre de cette réflexion stratégique, les différentes options design existantes ont été reconnues comme des spécificités complémentaires des établissements avec des potentiels liés à l’attractivité du territoire et aux enjeux sociaux et culturels : le design graphique à Valence et Lyon, le design textile à Lyon, le design d’espace à Lyon et Annecy et le design généraliste à Saint-Étienne.
C’est selon ce schéma régional que se sont constitués les quatre EPCC en 2010-2011. En termes de participation budgétaire des Régions aux EPCC, la moyenne nationale se situe autour de 5 % alors qu’en Région Rhône-Alpes, elle est plus près des 10 %, soit approximativement au même niveau d’intervention que l’État. Depuis la création des EPCC, les subventions de la Région sont restées stables, sachant que la Région est particulièrement attentive au renforcement de l’inscription des écoles dans le tissu local et régional.
De nombreuses collaborations entre les écoles d’art et d’autres établissements d’enseignement supérieur, basées notamment sur des politiques de sites, ont conduit à la mise en place de formations communes et de projets culturels partagés. Par ailleurs, en 2014, à la suite d’une grande concertation régionale « Culture et Universités », il a été décidé que, dans les CEDES, qui sont des contrats de développement créés par la Région pour soutenir des projets universitaires, il y aurait un fléchage culture à hauteur de 10 %. Cela signifie qu’un projet universitaire en partenariat avec une école d’art peut bénéficier d’un soutien spécifique. De façon générale, le paysage culturel de Rhône-Alpes est très dense et, de fait, le maillage l’est également avec de multiples synergies possibles. Chaque école a des partenariats spécifiques tant avec des institutions culturelles qui ne relèvent pas forcément du champ des arts plastiques, qu’avec les musées, les deux grands centres d’art que sont l’Institut d’Art Contemporain et le Magasin et le réseau des petites et moyennes structures de diffusion de l’art contemporain sur l’ensemble de la région. Les écoles d’art sont impliquées dans de nombreuses manifestations culturelles, qu’il s’agisse d’événements à l’échelle du territoire ou de grandes manifestations internationales. On peut citer par exemple le festival de culture numérique dans la Drôme coproduit par l’école d’art de Grenoble-Valence, l’exposition Rendez-vous, co-organisée par le musée d’Art contemporain, l’école d’art de Lyon et l’Institut d’Art Contemporain, qui présente de jeunes artistes rhônalpins et fait désormais partie du in de la biennale d’art contemporain, les projets Interreg développés par l’école d’Annecy avec le MAMCO et la HEAD à Genève.
Enfin, un projet illustre fortement les collaborations et dynamiques à la fois culturelles et économiques, territoriales et internationales. Il s’agit d’un projet franco-italien associant les écoles supérieures d’art et de design de Saint-Étienne et de Reims, l’université d’architecture de Gènes et le Politecnico de Milan avec quatre entreprises viticoles de ces différents territoires autour de la promotion de la culture et de la connaissance du vin. Ce projet et les travaux des étudiants issus des partenariats croisés ont été présentés avec le concours de la Région Rhône-Alpes lors de l’exposition universelle à Milan.
Je conclurai sur ces exemples qui parlent d’eux-mêmes en rappelant que le territoire régional, composé de huit départements, bientôt douze avec la fusion des Régions, se nourrit de toutes ces énergies et synergies.
Hervé Alexandre
Par rapport à l’impact et aux rapports à la population, est-ce que la Région, hors des grands centres autour des grandes villes, a des demandes ou des attentes vis-à-vis des écoles d’art comme outils de sensibilisation des publics, non pas les écoles supérieures d’art pour elles-mêmes, mais comme un outil parmi d’autres de développement culturel et de sensibilisation à l’art contemporain ?
Isabelle Arnaud Descours
Il est évident qu’il y a de façon naturelle, de la part des élus et de la collectivité, une demande de sensibilisation. Cela passe aussi par les classes préparatoires, la formation continue, les ateliers de pratiques amateurs, tout ce que les écoles d’art mettent déjà en place. Cela passe aussi, hors des villes-centres et des grands équipements culturels, par tout un maillage de petites structures de diffusion de l’art contemporain, par des partenariats, des collaborations avec des artistes et des projets qui peuvent être adossés de façon plus spécifique aux écoles d’art. À titre d’exemple, il existe un dispositif contractuel qui s’appelle le Contrat de développement durable Rhône-Alpes (CDDRA) qui vise à développer des actions dans différents domaines et notamment celui de la culture. Sur la Communauté de communes de Faverges, un territoire rural au bout du lac d’Annecy, qui a été considéré comme prioritaire pour la culture, des actions sont développées dans le cadre pédagogique autour de questionnements sur l’espace public de ce bourg et des alentours. L’école d’art d’Annecy va contribuer à ce projet, probablement avec des financements de la Communauté de communes.
[2] Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, désormais appelée HCERES, Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.